9.10.14

1086 - Rétention d'eaux

0. En guise d'avertissement

Contrairement à mes habitudes, ce post a été rétentionné pendant quelques semaines. Je ne sais pas pourquoi il sort aujourd'hui.

Tu noteras un changement d'adresse, et de mois ; et aussi que je ne parle pas d'écrire, pas spécialement. 

En quelque sorte, pas besoin de le lire.
J'ai juste besoin qu'il parte au moment où la pluie du matin s'y met doucement.



1. Dis donc dis donc... (septembre)

J'étais à Lauzerte ce ouikend - et je crois bien que je ne t'en avais pas parlé. C'est peut-être pour ça qu'on ne s'y est pas vus ?
C'était ma septième ou huitième fois ; les bulles disparaissent un peu du champagne, mais le vin reste doux. J'y ai vu de belles personnes, qu'elles soient auteur ou auteur et plus si affinités.

J'y ai vu aussi une première fois sans mon père, sans l'idée de mon père. Je me suis découvert récemment irrité irritable depuis son départ ; en creusant un peu partout - surtout dans mon corps - je me suis rendu compte qu'une colère me restait, contre moi-même, celle de me sentir libéré de sa maladie. Des quatre ou cinq années de luttes, de coups au coeur, de reprises, d'espoirs.

Bon, voilà. Ça s'est envolé doucement dans l'air de début d'automne.

Cette nuit, il m'a parlé au téléphone. Je ne lui ai pas dit que ce n'était pas possible - j'étais si fier et heureux d'entendre sa voix.

2. Later on, octobre

Le match était beau et plein, nous maîtrisons notre sujet ; je jouais comme d'habitude les innocents emmerdeurs, les petites teignes aux mains propres. Bref, du rugby, avec ce sentiment d'être dans le groupe, dans le corps, dans le monde.
Puis le match se termine et quelque chose me frappe au ventre - J., notre doyen, qui me tend la bouteille. Et son sourire qui ressemble au tien.

Alors tu me mets à me manquer comme si tu étais parti hier - non, pire, comme si tu étais tout près et que je ne pouvais t'atteindre.
C'est le cas, évidemment, mais les yeux ne le savent pas. C'est pour ça qu'ils pleurent.
Moi, hoquetant, étouffant, plié en deux au bord du terrain pendant que l'équipe se réjouit, incapable de les rejoindre ; incapable de leur avouer que je pleure, voilà, je pleure mon père quand le soleil d'octobre illumine les terrains et les hommes qui jouent, quelque part en Catalogne.
Le corps, exactement. Cette allégresse du corps, cette présence directe - là, ton absence, de plein fouet.
Et quelque part j'apprends à chérir ces moments où le manque me rappelle à quel point je t'aime.

Tu m'as dit, dans ce moment où nous avons parlé, ton impossibilité à être avec les hommes. Tu te jugeais mal parce que tu n'avais pas de vrai ami, de vrai copain - j'aurais pu t'en objecter deux, trois, dix (mais je ne l'ai pas fait, peut-être à tort). Tu t'en voulais de ne pas m'avoir appris ça. Je t'ai parlé du rugby, et du fait que moi aussi je préférais instinctivement la compagnie des femmes.
Entouré de six cent rugbymen, je me disais (et l'un d'eux, et plusieurs, me disaient aussi) qu'il n'y a rien de plus naturel ; que les groupes mâles sont vite limités, vides, inquiétants parfois.

En ce moment, difficile de m'appuyer, de faire confiance.

3. Single track (à VTT)

Les sentiers du Causse sont des single tracks
Rigole rouge où la roue passe
Entre les buissons et les pierres
On roule dans le bruit de l'autre

Tu me suis, je me perds, on avance

Parfois je jure et tu dérapes
Je tombe et nous rions
La chute quasi-contrôlée des côtes sur le tatami
Humpf
Repart

 Où sera
le tintement des moyeux
la prochaine fois que je roulerai 
seul sur la lande sèche ?