29.4.10

867 - En direct de Lafrance

Vincent Lafrance, dont je vous parlais précédemment, témoigne, malgré (ou à cause de ?) son origine outratlantiquienne, d'un talent incroyable pour saisir la tendresse, la simplicité, au creux de la vie.
Il a tourné, pas loin d'ici, des heures de rushes, qu'il monte peu à peu pour construire une histoire ; personnellement, je trouve que chaque bande-annonce fonctionne à merveille.
Du coup, ni une ni deux (ni trois, d'ailleurs, par exception), je vous les colle ici.
Producteurs fortunés qui avez arrêté la coke, amateurs de cinéma indépendant, ou simples compositions organiques dotées d'organes sensibles et d'émotions, voilà qui vous plaira certainement.



et encore



ou bien



et pour finir




Je ne sais pas vous, mais je les trouve très évocateurs... Bon alors Vincent, c'est quand le film ?

28.4.10

866 - Colères et apparitions


1) Justice
Magnanime, il renonça ce matin-là à poursuivre ses parents. Ils l'avaient pourtant condamné à mort en le mettant au monde.

2) Je ne comprends rien à l'art contemporain
Vernissage au BBB hier soir. La fine fleur des Beaux-Arts et des galeries subventionnées de la ville s'y trouvait. Il y avait des photos quasi-décoratives, des débuts de travaux, des meubles et la traditionnelle mer de palettes nommée installation. Je cherchais un peu en vain le nom des artistes, des oeuvres, le rapport entre eux et la signification de l'ensemble. Une amie croisée sur les lieux m'a rassuré : "Il n'y a rien à comprendre, c'est un ressenti".
J'avais un peu faim, la couleur du ciel dehors et la presque pleine lune étaient émouvantes de simplicité.
Il y avait aussi une trace du travail que Véronika Peddinghaus consacre à la Deuxième guerre mondiale : trois téléviseurs sur lesquels défilaient les témoignages de personnes encore en vie.
Cela ressemblait à un documentaire - un documentaire d'autant plus intéressant, je suppose, que Véronika est d'origine allemande, née deux générations après la guerre. Mais j'étais mal à l'aise, il faut le dire : j'étais en train de penser, me souvenant entre autres de Nuit et Brouillard, que pas mal d'artistes semblent aujourd'hui s'acquitter d'une obligation de mémoire commodément imposée par l'époque et la bien-pensance artistique ; que la richesse des témoignages était presque mise en danger par le côté matériau artistique du dispositif.
Et puis j'ai tourné la tête, et je me suis rendu compte que la mer de palettes se soulevait et s'abaissait, comme le flanc d'un animal endormi.
Comme quelque chose de vivant. J'ai souri.
Enfin, j'ai vu quelques bandes-annonces de Vincent Lafrance, dont j'ai dû vous parler ici, et dont je vous reparlerai bientôt. Lui semble avoir décidé et se tourner, après pas mal de bricolages vidéo, vers le cinéma.

3) Le sens de la formule
"Force délicate et amusante gravité", voilà ce que je voulais dire des tableaux de Yu Matsuoka - et que je n'ai su exprimer que dans un mail à elle destiné. Comme quoi on pourrait parfois penser avant de réfléchir.

4) Free running
Quand je vous parlais de cette nouvelle mode de la course libre... les premières vidéos, en direct de l'Aveyron.

27.4.10

865 - Les artistes féminins sont-ils aussi des femmes ?

1) Tendance
Oui, je m'énerve souvent devant l'art contemporain. Pas parce que je ne le comprends pas, mais parce que quelques galeristes et autres espaces d'art ont tendance, entre autres à le confisquer en multipliant les explications prétentieuses.
D'un autre côté, je préfère la bienveillance. Du coup, j'ai été tout ravi lorsque, passant devant la galerie Exprmntl de Toulouse, j'ai découvert les tableaux récents de Yu Matsuoka.

Je dis "récents", parce qu'entre ceux de 2009 et ceux de 2010, la différence m'a semblé telle que je n'ai pu m'empêcher de penser à ce que cette artiste annonce pour l'avenir, et que j'ai envie de voir.

Là, il faudrait que je fasse une phrase qui commence par : "Le travail sur la composition, les transparences et les techniques..." que je parle de pop, d'art acidulé, d'espace, de marécage, de reflet. Mais ça fait long, et j'ai simplement envie de dire : j'y ai trouvé beaucoup de charme, c'était un moment de plaisir délicat. Et vous, qu'en pensez-vous ?

2) Autopromotionnation

Vous n'êtes pas sur Facebook ni sur ma liste de mel ni sur msn ni tout ça ? Bin tant pis, vous pouvez venir les 19 et 20 mai, au théâtre de Poche, pour les deux soirées de lectures intitulées Monstres, Purgatoire et autres divertissements, où Emmanuelle Urien et moi-même passerons en mode lecture (et guitare et atmosphères).
Vous êtes trop loin ? Pas grave, venez pour le ouikend, Tonton Maurice refait une sortie, au même endroit le 21 mai.
Notez-le maintenant, au cas improbable où j'oublierais de vous en reparler.

3) La théorie de Bouzidouille

Je dissertais récemment sur la théorie de l'accident général, dite théorie de Bouzidouille, qui veut que, pour un tuyau donné, la probabilité qu'il apporte de l'eau chaude est égale à celle qu'il apporte de l'eau froide, et ce quel que soit la couleur du bouton.
Je m'explique. Saint Bouzidouille (né en 1297 à Montlaux-en-Vénerque, canonisé par l'église en 1316 pour une raison mal expliquée et certainement arbitraire), père de la plomberie moderne, constata que, quel que soit le soin que l'on apporte à brancher un instrument de chauffage central - à l'époque, cela concernait essentiellement le bois car les plombiers médiévistes préféraient laisser tout le pétrole disponible à leurs arrrière-arrière-arrière etc petits enfants, afin qu'ils puissent le gaspiller tout à loisir - quel que soit, donc, le soin apporté à l'assemblage des tuyaux, l'eau chaude ne sortait jamais de l'endroit prévu. Bien entendu, Bouzidouille ne faisait là que confirmer par anticipation la fameuse Loi de Murphy (1886-1729, ce qui est surprenant) selon laquelle tout ce qui peut aller mal ira mal, et ce qui ne peut aller mal ira pire ; mais le génie de l'homme de l'art montalluvénérocorcinien fut de constater que quiconque imagine que l'eau chaude sortira donc du mauvais tuyau constatera très vite que ce tuyau est doublement mauvais (ou simplement le bon ?) car l'eau qui doit en sortir puisqu'elle ne devrait pas en sortir finit par ne pas en sortir.
C'est la fameuse maxime de St Bouzidouille qui résume toute sa pensée "Dé toutfachon ch'est le bordel, tou fais comme cha vient et cha fera bien".
Comment cette maxime s'est peu à peu appliquée à l'univers connu, puis aux autres, c'est ce que nous expliquerons dans un prochain passage.

4) Retours vers le

Les quelques retours sur Radio Lofi font mieux que m'encourager : ils me poussent et me guident. Merci à vous qui.

25.4.10

864 - Mon âne à µ


1) Et juste 1
Si vous aimez les feuilletons radios ainsi que les histoires qui racontent des chansons (ou l'inverse ? Je ne sais plus), LoFi a tenté une nouvelle expérience : un feuilleton radio.

24.4.10

863 - Parlons c(r)u


1) Dévoration
Une de mes maîtresses (je la connaissais à peine) a un jour saisi mon index dans sa bouche cernée de rouge, et l'a mordu.
Il s'est passé un truc très bizarre dans mon ventretête.
Faut dire que j'avais six ans, et qu'elle m'expliquait quelque chose.
Depuis, je crois, je fuis les femmes en me serrant très fort à elles.

2) Gout doûteux
Hier, pour la première fois de ma vie, j'ai été victime d'une agression à caractère sexiste. Bon, tout s'est bien passé, je vous rassure, mais cela m'a laissé un goût bizarre, et je me demande si, malgré les superbes perfs de la Ladyfest à Toulouse (ainsi que l'exposition très discrète de dessins d'Emmanuelle Urien) j'y retournerai ce soir.
Pourtant, on ne choisit pas d'être né (au moins à 50,1%) homme et hétéro. Si ?

3) Words
Réflexion profonde : le sens de la collectivité peut engendrer des ghettos auto-proclamés ; en revanche, le statut d'apatride, de trans-quelque chose, de moitié-moitié, permet souvent une approche libre et douce.
Enfin, c'est ce que je pensais en mangeant dans un bar basque à Toulouse avec des traducteurs d'un peu tous les pays.

4) La question qui
Peut-on aimer vraiment quelqu'un sans aimer tout le monde ?
Pareil pour la détestation.

5) Ah oui au fait
À ma grande surprise, on peut parler d'amour/chanter/jouer/vivre sans alcool et sans tabac. Et même que ça ne change pas grand-chose.

23.4.10

862 - La peu fameuse théorie de l'accident


1) Du ciel en moins
Déjà rien que là, ça m'énerve du matin. Imaginez un peu : au-dessus du toit qui donne sur le ciel, en face de mes yeux par ma fenêtre un homme en jogging monte des briques, annonçant la surélévation d'une maison que je ne voyais pas jusqu'ici. Un peu de ciel qui s'efface à chaque coup de truelle, un vis-à-vis embarrassant pour les soirs où j'écris nu.
Ne peut-on jamais rien tenir qui dure, même le vide ?
Putain, c'est philo ce matin.

2) Théorie
Bon, grosso modo, dans la théorie du complot, ils nous veulent du mal. Ils mettent tout en oeuvre pour nous dépouiller nous déposséder se jouer de nous. Banque, entreprise du bâtiment, méchants capitalistes, gouvernants, ils nous prennent pour des moutons et veulent nous mener à notre perte. Ce qui est idiot, vu que c'est aussi la leur, je suppose (si les riches suppriment tous les pauvres, il y aura des pauvres riches et des riches riches, et tout recommencera). Mais bref, ils savent et décident et complotent. Bande d'enfoirés.
La théorie du Signe est la suivante : il n'y a pas de hasard. Si hier, me rendant avec douce à une soirée théâtre (pas mal, ce jeune Beckett, il faut le dire), nous avons décidé de meubler nos quelques minutes d'avance en poussant la porte d'un magasin encore ouvert, et que nous y avons croisé ma vieille copine L., perdue de vue et un peu de coeur depuis longtemps, c'est que c'était écrit. Cela faisait partie d'un grand plan qui explique que les supermarchés de la côte basque soient tous en rupture de stock de verres à eau, que les magasins chics ferment leurs portes à des heures ineptes, que mon coeur bat toujours deux temps sur trois, que l'amour dure éternellement ou en tout cas plus que les soldes...
Belle théorie, aussi. Quelque chose de très beau très vrai très pur sait pour nous et décide, nous guide sur un chemin écrit, où nous pouvons bifurquer mais jamais nous perdre.
Il y aurait bien sûr d'autres théories corollaires. Genre le néo-platonicisme, le réalisme, le raélisme et j'en passe.
Et il y a la théorie de l'accident, dite Théorie de Bouzidouille, du nom du plombier qui l'inventa.

3) Ce truc sur mon épaule #11
J'aurais voulu perdre connaissance. J'aurais voulu mourir plutôt que de comprendre.
Je voulais de toute mes forces faire taire la conscience de ce que mon frère venait de me dire, oublier la raison de mes cris. Je voulais remonter le temps, abolir la nouvelle, le coup de téléphone, la pleine lune et la drogue que j'avais fumée. En hurlant, en pleurant, en me roulant par terre, je savais pouvoir y parvenir.
Je l'ai entendu raccrocher le téléphone, et je me souviens que j'ai pensé "Quoi qu'il fasse, maintenant, au moins je suis tranquille, au moins je l'ai fait taire". Et j'ai continué à hurler.
Ma voix se faisait de plus en plus fragile, mes cris de moins en moins humains ; la force de ma colère s'émoussait comme la grêle contre un mur de briques crues. La tête sur la moquette, les bras repliés sur mon ventre, je ne bougeais presque plus.
On a frappé à la porte.

22.4.10

861- Le temps de cuisson des asperges landaises


1) De retour
Une bonne nouvelle : je dois être passé pro, parce que pendant mes vacances, je n'écris pas une ligne...
Si vous voulez savoir, le temps était à la douceur et au sourire, aux plages, aux collines basques et aux petits restaurants - sans parler de quelques détours entre hammams et massages.
A des milliers de kilomètres des volcans et des nuages, en voiture, à pied et à cheval - parfaitement.


2) Bonne adresse
Moi qui ne parle jamais d'argent, je vous fais partager mon enragement : un chèque posé voilà dix jours est toujours "vérifié" par ma nouvelle banque. J'ai beau faire remarquer que l'émetteur dudit chèque a bel et bien été débité, et qu'en plus il s'agit de moi-même, la sécurité est drastique, et il me faudra encore attendre quelques jours.
Waouw, comment je suis content de voir mon argent si bien protégé...


3) Sollo Rauck
C'est (presque) le titre du prochain roman bilingue, dont je corrige les épreuves cette semaine. You-là, boum et mini danse de l'édition.

4) Say something intelligent
Depuis quelques, je me dis qu'il faudrait quand même que je montre intelligent sur ce blog. Que j'ai des avis, des opinions, des pertinences. Que j'aime, que je n'aime pas, mais que je choisisse, que je tranche, merde à la fin.
Et je me creuse la, c'est promis. Il m'arrive même de trouver des trucs, mais le temps que je les porte jusqu'au clavier, ils ont coulé entre mes mains.
Là, par exemple, je voulais parler de ma Théorie de l'Accident (qui s'oppose à la fameuse Théorie du complot et à la moins fameuse Théorie des signes).
Mais les asperges sont cuites, il faut que j'aille les retirer du feu. Et les servir avec une vinaigrette de derrière les à ma tendre.
Demain, qui sait ?

18.4.10

860 - Six fois le dimanche


1) La courette
Apprendre à être calme
A croire aux accidents
A rester à l'écoute dans la cour du carillon du vent
Profiter de la graine
Avant qu'elle ne soit pousse
Et même, même,
De la toux rocailleuse d'une voisine à la fenêtre
Pourquoi pas ? Le monde sera paisible si mon coeur est paisible
Seulement.

2) Souvenirs
Il y a un an et quelques, j'écrivais en quelques jours dans cette même courette un roman-vomi intitulé Ma vie n'est pas un roman, bordel. Le seul éditeur qui l'ait lu se dit intéressé, mais se demande qu'en faire. Moi-même, à relire ce torrent d'amour haineux parfumé de bière et de cigarettes, je me demande s'il s'agit d'un grand oeuvre ou d'une esquisse.
Well, je ne fume plus, je me tiens à l'écart de l'alcool pour un moment. Et je démêle l'amour de la haine, ce qui est moins évident que je ne l'avais cru.
En tout cas, la courette est plus belle.

3) Smala
Plus que quelques heures à tenir en compagnie de nos 4 monstres - Anton, Selim, Zadig, Yvanoette. Nous avons tout fait pour ressembler à une vraie famille : road-trip dans les citadelles du Tarn, gestion commune du budget et des engueulades, explications psychologiques variées et complexes.
Et décidément, nous n'y arrivons pas. Il semblerait qu'il s'agisse plutôt du rassemblement fortuit de 6 caractères disparates qui tentent de trouver un lieu où ils seraient amis. Ou amusés. Ou à-mi chemin.
Au fait, que cherchons-nous ?

4) Très sombre

Ils étaient si saouls ce soir-là que leurs mains parlèrent, que leurs hurlements réveillèrent les enfants, qu'ils se détestèrent à jamais.
A moins que ce ne soit ce soir-là qu'ils se virent dans toute la laideur de leur beauté, et réciproquement ; qu'ils virent enfin la profondeur du gouffre, et décidèrent qu'ils étaient néanmoins en sécurité.

5) Among friends and lovers

Pour la première fois depuis quelques, je passe ce qui ressemble à des vacances - décroché de mon téléphone, et (presque) de mon ordinateur ; je respire, loin des amis des contacts des relationbs des rencontres des groupes des amourettes.
Pourtant ils sont là, tous, au chaud du coeur, de la tête ou de quelconque autre partie du corps et de l'esprit.
C'est ça, être un ?

6) A table
Qui veut des épinards ? Pas moi. Tu goûtes. Je veux pas. Tu devrais.
Etc.
La table du dimanche est dressée dehors. Il fait un peu beau, chacun dans nos rôles. Peut-être allons-nous en changer.

14.4.10

859 - Depuis le petit pays


1) Internat

Ma mère parle à ses petits-enfants, autour du dessert. Elle raconte l'internat, quand elle avait 11 ans : trois semaines sans voir sa famille, son village, ses parents. Trois semaines, et, en cas de punition, une retenue le dimanche de sortie, soit six semaines.
Cinquante ans plus tard, elle ne peut toujours pas imaginer aller au cinéma le dimanche après-midi (elle évoque les fenêtres allumées derrière les rideaux cossus quand elles revenaient en file indienne de la seule sortie autorisée en cas de mauvais temps).
Elle raconte son grand-frère, persuadé en sixième que personne ne reviendrait le chercher, et qui s'était fait pendant quelques semaines à l'idée d'avoir été abandonné.
Elle parle de Soeur Séraphine qui les réveillait chaque matin avec cette prière, Jésus Marie Joseph assistez-moi à l'heure de mon agonie, Jésus Marie Joseh soyez présents à l'heure de ma mort.

Elle raconte, comme je l'ai toujours vue raconter - un sourire aux lèvres, des larmes dans les yeux. Certaines nuits, dit-elle à Anton et Zadig bouleversés, elle redevient interne.

2) Halte à la rumeur

Les vacances en famille sont aussi pour moi l'occasion de lire notre belle presse quotidienne régionale, et donc de me remettre au parfum de ce que j'ai si délibérément ignoré. Ainsi, il me semble urgent de préciser, pour mettre un terme aux calomnies, que ma compagne E. et moi-même n'avons pas couché avec une certaine Carla B.-S.

Ou alors c'était par amour - et c'était bien.

3) La vie d'artiste

Hier soir, depuis ce qui était ma chambre d'adolescent, d'où je tape à présent ces lignes, j'ai montré à Emmanuelle le ciel par la fenêtre - lui disant que j'avais choisi d'écrire parce qu'il n'y avait pas moyen, jamais, de retrouver ces couleurs dans la peinture.
Quand nous nous promenons sur les cailloux bleutés, entre les yeux des aubépines et les piques des pissenlits dans la première pousse de l'herbe, quand les arbres encore crissant de froid dessinent une ligne à mi-hauteur de l'horizon, quand les nuages sur les collines nous parlent de l'étendue du monde, je me dis que même les mots sont parfois légers.

4) Ce truc sur mon épaule # 10

- C'est maman. Ca s'est passé cet après-midi.
J'aurais voulu demander, j'aurais voulu en savoir plus ; j'aurais voulu dire, comme il le souhaitait sans doute, que nous l'attendions, qu'elle n'avait pas souffert au moins, qu'au moins c'était fini.
Et je le jure, les mots sont passés dans mon ventre, dans mon cerveau, quelque part autour de mes yeux ; je les ai vus inscrits, je les ai pensés, je les ai sentis. Ils étaient en moi et s'apprêtaient à sortir.
Mais quand j'ai ouvert la bouche, la bulle énorme qui gonflait dans mon ventre a pris le dessus, a bloqué les paroles dans mon oesophage, les a forcées à redescendre vers mes cuisses et mes genoux - je me suis effondré sur la moquette, à quatre pattes, une main sur le sol, l'autre crispée sur le combiné - et ce son, ce son pitoyable, ce hurlement-gémissement suraigu, ce vagissement qui crevait dans ma gorge, explosait dans mes oreilles comme une otite, une opération des amygdales, cette note qui s'élevait puis mourait puis s'élevait sans cesse - je pleurais, je redevenais liquide, et rien ne pouvait m'arrêter.
Je suis tombé sur le flanc. Le combiné crachait la voix bleu métal de mon frère, scandant mon prénom, m'enjoignant d'arrêter - il fallait que je me calme, il arrivait, s'il te plaît, bordel, putain, calme-toi merde arrête, si tu crois que ce n'est pas assez difficile, annonçant qu'il allait appeler la police, le SAMU, les pompiers,
J'aurais voulu perdre connaissance.

12.4.10

858 - En attendant le reste


1) Au stade

Troqué hier mon chapeau pour une casquette rouge et noire ; au ras du terrain, un match de rugby est fascinant, étrangement humain. L'expression toujours semblable de l'entraîneur, le ballet des soigneurs et des consignes, l'inquiétude palpable dans les mains et les regards, la dramaturgie qui s'écrit et grandit dans les travées...
Et moi, au milieu de ce qui se joue, incapable de vociférer, timidouillant du "Allez les rouges" comme un débutant au karaoké. Ce n'est pas encore aujourd'hui que je ferai corps avec la foule, mais la soirée était belle.


2) En cuisine

Fini les traductions des grands chefs sur lesquelles nous avancions depuis sept semaines ; la cuisine, néanmoins, m'est (re)devenue un joli lieu pour parler d'amour.
Parler, entre autres.
3) En vacances

Avis de vacation - ce blog est en jachère pour quelques jours des vacances familiales.
Et ce n'est pas, je l'espère, un oxymore.

9.4.10

857 - Fffffffffffffffffffffriday wear !


1) Sérieux

Guilherme Hauka Azanga a été libéré hier soir "devant l'impossibilité matérielle de procéder à son expulsion".
Je me demandais, en apprenant la nouvelle, qui cela aurait pu rendre heureux qu'un homme comme un autre soit éliminé dans les faits, repoussé aux confins de l'existence - qu'on le renvoie dans son pays régler son problème ; je m'interrogeais sur qui peut se réjouir qu'on nie qu'on efface l'existence de l'autre, de l'identique différent.
Heureusement, les chiens de garde veillent, et les commentaires de la nouvelle me rassurent : pour certains, être heureux c'est garder son petit bout de territoire, son petit privilège, pur, intact - surtout, que l'autre n'en profite pas. Heureux du malheur des autres, quelle belle philosophie.

2) Encore sérieux

Et pourtant hier la colère était présente - une femme rentrait sagement au milieu de la nuit, et quelques idiots ont voulu la stopper. Coups de genoux, colère, rentrer en courant dans la nuit.
Et se sentir coupable d'être une femme, d'être belle, d'oser marcher seule.
Le pire salaud, encore une fois, est peut-être celui dans notre crâne.

3) Ne soyons plus sérieux, parlons littérature
Enfin, moi non, parce que je glande, mais Pascal Arnaud parle des éditeurs qui sont de vrais éditeurs, Franck Garot des nouvelles, et je découvre que Martin Winkler tient un blog en commun d'écriture. Intéressant, non ?
Tant qu'à y être, et rouge de honte, je confesse avoir lu Télérama (comme toutes les semaines, hé con je suis abonné...), à peine ri du courrier des lecteurs, et lu cette phrase : "Sur ordre de son éditeur, qui sans doute le voit d'un mauvais oeil s'endormir sur ses lauriers - un prix Interallié en 1934 et un Goncourt en 1942 -, Marc Bernard (1900-1983) quitte sa mansarde parisienne et s'en va, l'hiver 1963, vivre trois longs mois à Sarcelles".
Outre le signe amusant (La Teigne s'enorgueillit un chanteur homonyme qui chante Sarcelles d'une voix de fureur) - je me suis réflexionné que, de nos jours, peu d'éditeurs se risqueraient à faire travailler un auteur.
Je sais, c'est un peu court comme réflexion, mais faites-moi pas chier, on est vendredi, merde. D'ailleurs, je n'ai même pas de blague de la semaine.

4) La... de la semaine
Retrouvée en dernière minute, et spécial dédicace à nos sherpas d'âme préférés,

Combien de psys faut-il pour changer une lampe électrique ?
Un seul. Mais il faut qu'elle veuille vraiment changer.

8.4.10

856 - Au furibard et à mesure


1) Absurde
- Tonton, tonton, tu veux jouer avec nous ? - A quoi ? A quoi bon ? Jouer, pourquoi ? Moi aussi, j'ai joué, autrefois.
Les neveux de Samuel Beckett se sentaient souvent un peu mal à l'aise.

2) Traître à la cause
Puisque j'avais déjà joué la première mi-temps, et qu'il manquait un avant à l'adversaire, j'ai enfilé un maillot blanc. Plus chaud, débarrassé de la pression collective (je peux faire toutes les conneries que je veux sans faire perdre l'équipe), plus en forme en fin de match, je me suis bien amusé - d'ailleurs, regarde, j'ai encore mal là, et là, et là...
De retour au vestiaire, l'oeil noir et la main leste, notre entraîneur-chef a lancé des réflexions aigre-douces sur ces joueurs qui "attaquaient plus le ballon quand ils jouaient en face".
Zut, j'avais encore oublié qu'il ne s'agissait pas d'un jeu.

3) Un rêve, une image
En amuse-bouche de ma vie, ces années d'adolescence aux saveurs piquantes, prometteuses,
puis cette entrée, réussie, où je vivais avec toi, dans les grandes maisons (les enfants qui y naquirent) - un peu fade, néanmoins, je pense,
le trou gascon, la pause liquide brûlante d'alcool
et - du moins je le suppose - le plat principal (dont je rêve que, scandale, on refuse de me l'apporter, alors qu'il est peut-être déjà sur ma table),
tout cela préparé par un chef aussi doué que loufoque - un chef toqué, bien entendu.

Sinon, sans lien aucun, nous finissons aujourd'hui une traduction pour un livre de cuisine...

4) Elle m'y a poussé...

Voilà le mail que je reçois d'un espace d'art très contemporain installé juste à côté de chez moi, et qui me présente sa prochaine exposition,

Les artistes retenus pour cette exposition tentent, chacun à leur manière, par le biais de vidéos et/ou d’installations simples ou multi-écrans, d’étudier les rapports étroits et complexes qui lient, d’une part les notions de territoire, d’espace et d’autre part celles de temporalité et d’attente, pour révéler les mécanismes et processus de plus en plus impalpables et transparents qui gouvernent notre soif sans limite de communication.
De manière complémentaire et contradictoire, nos comportements font l’objet d’un contrôle généralisé dans l’espace public (caméras de surveillance, contrôle systématisé,…) comme dans l’espace privé (surveillance de la nature de nos visites et correspondances sur internet), et paradoxalement, les espaces concrets et virtuels qui nous sont proposés, ne nous ont jamais autant promis en termes de désirs et de sollicitations, qu’aujourd’hui.
L’abstraction de l’espace par la possibilité inouïe de déplacement virtuel sur internet nous a fait oublier que ce repli de l’espace n’était qu’un leurre constitué de flux nous soumettant à la dictature implacable du temps.
Cette promesse d’espaces à découvrir et à s’approprier possède son lot de contraintes dont la principale d’entre-elles demeure celle du temps. Et bien que la réduction, sans cesse repoussée, de la latence séparant nos désirs de leur réalisation, nous rapproche de manière exponentielle de l’immédiateté et de la simultanéité, les promesses des espaces virtuels demeurent irrémédiablement dépendantes de l’attente car constituées à l’image de tous les processus de communication d’un langage propre, dont il est impossible d’abstraire le temps qui conduirait à leur matérialisation spontanée.
C’est dans cet interstice temporel que se trouvent prisonniers nos désirs de liberté mais également nos craintes de contrôle. Un temps que la machine ne pourra jamais abolir, laissant planer sur nos vies le doute réel qu’il existe bel et bien des espaces concrets où l’on ne peut plus se trouver sans se sentir coupable de s’être posé la question des raisons qui nous ont poussé à nous y rendre.

Impressionné je suis ; et, je le jure, je lis tout en entier, et même j'essaie de comprendre. Je ne daube pas, promis, sur le nombre incalculifiable d'adjectifs complexifiants et d'adverbes paradoxicalement liés à la représentativité des verbations, ni sur les, virgules placées de façon très arty ; et l'ex-universitaire prof renégat en moi ne relève pas la double faute / service à suivre sur "son lot de contraintes dont la principale d’entre-elles demeure celle du temps" (d'entre elles, sans tiret, et c'est une répétition de "contraintes" déjà présent dans la phrase), ni l'accord presque correct du participe à 4 mots de la fin. Ce serait un réflexe de protection un peu stupide, je suppose.

Je me sens simplement un peu bête de me dire que je ne comprends pas la phrase "les promesses des espaces virtuels demeurent irrémédiablement dépendantes de l’attente car constituées à l’image de tous les processus de communication d’un langage propre, dont il est impossible d’abstraire le temps qui conduirait à leur matérialisation spontanée."

Euh... Les promesses dépendent de l'attente, comme le langage qui ne peut être réalisé dans l'instant ? C'est ça ? Non ? Les promesses ça fait attendre et les mots aussi ? Je ne l'ai pas, désolé. Faut dire que pour "leur matérialisation", j'ai du mal à trouver l'antécédent... les promesses ? Les processus de communication ? Rah merde...

Du coup, nos petits bricolages d'avec Marie Lamarche, qui ne parlent que de désir, de cadres et de temps, me paraissent bien naïfs...

Je réfléchis. J'ai fait quelques études, tout de même. J'aime bien le art contemporain, en général, même s'il est parfois si cérébral que je me demande si on joue tous dans la même équipe. Ca doit être avec les "processus de communication" que j'ai du mal. C'est comme quand on dit aux gens "Viendez voir, même si vous êtes un peu cons, on va vous espliquer quoi c'est le art. Si, si, je vous assure, vous êtes un peu cons, sinon vous comprendriez nos phrases..."

Zut. Dire qu'en plus, je les trouve assez sympas, les gens dudit Lieu... Un jour, je leur proposerai peut-être mes services de traducteur, dans la paire Art contemporain / Français.

5) Dire du mal
C'est un truc que je ne fais jamais. Pas positif, pas zen.
Remarque, en ce moment, le zen m'énerve.

6) Pas de politique
Non, il ne faut pas écrire au conseiller immigration de l'élysée, Maxime Tandonnet, maxime.tandonnet/arrosage/elysee.fr, pour lui parler de Guilherme HAuka Azanga, dont l'embarquement a été refusé hier et qui serait actuellement en partance vers le Bourget, l'objectif étant de l'expulser avant demain 11h histoire de faire semblant d'être en règle avec la loi.
Ce serait faire de la politique.
En attendant, je lui envoie ça,

Maxou,
déconnez pas, merde. Vous voyez bien que vous faites n'importe quoi. Au nom de la loi, vous bafouez la justice, et plus grave, la simple humanité. Evidemment, ce type, vous pouvez le renvoyer "chez lui", le foutre dehors le plus vite possible pour montrer à quel point vous êtes fermes dans votre politique.
Et vous auriez prouvé votre force autant que votre stupidité.
Vous pourriez au contraire intervenir et vous montrer beaux perdants.
Maxime, pense juste à ton père, et à savoir ce que ça t'aurait fait de le voir partir entre deux gendarmes,
des bises
Manu
PS : Il paraît qu'on peut faxer aussi, au 01 47 42 24 65, voire passer un sms à ce numéro. Je tente le coup.
NON A L'EXPULSION DE GUILHERME HAUKA AZANGA!
Votre nom + adresse postale ou tél ou adresse mail

7.4.10

855 - Fast and un peu furious


1) Urgemment
Ici, le moyen d'envoyer un mail à Air France pour tenter d'éviter l'expulsion de Guilherme Hauka-Azanga.
Remplir les cases astérisquées, vol Paris CdG -Luanda AF 928 - ne serait-ce que pour donner aux personnels navigants des arguments pour s'occuper de justice plutôt que de loi.



2) The mother of all the fathers
Ce matin, Oh! nous parle de son intime et de son père. Avec justesse, évidemment.
Encore une raison, s'il en fallait une, pour ne pas laisser une famille sans père - cf supra.

3) Projets again
Oui, la nouvelle version d'e(U)x (intitulée et ceux qu'il en reste) est bien sur les rails. Pour faire plaisir à une lectrice qui voulait une belle histoire d'amour. Et pour toi, évidemment.



6.4.10

854 - Vers la moisson


1) Moisson de projets
Oui, voilà, les projets c'est comme les semis dans le jardin : on ne voit rien pousser, on oublie presque, on se dit que c'est mort. Et puis un jour... bin, un jour, c'est mort quand même, mais on se rend compte que ça a failli marcher.
Les éditions 13e note publieront en août une traduction du Lila de Robert Pirsig - mais ce ne sera pas la mienne, vu que j'avais frappé à presque toutes les portes avec ce projet, mais pas à leur. Bin tant pis : ce sera l'occasion de lire l'étonnant parcours philosophique et romanesque de l'auteur le plus intrigant de son époque.
Le blog des Gmörks s'est arrêté il y a presque un an ; il ne me reste aujourd'hui que deux exemplaires du petit livre fabriqué à l'occasion de l'expo Keskifécon. Alors quoi ? Bin je les envoie à quelques éditeurs. Comme je pourrais, je suppose, envoyer deux-trois pièces de théâtre, dès que je trouverai l'envie de le faire - ou terminer une bonne fois pour toutes ces deux romans en attente, E(u)x et Ma vie n'est pas un roman bordel. Encore que, terminer, ça veut dire quoi, sinon trouver un éditeur que cela intéresse ?
Pour l'instant, donc, je ne pense qu'aux projets un peu échoués.
Mais bon, le printemps viendra, non ?

2) Torgnole psychologique
Ces deux-là ne savent vivre qu'en se lançant au visage un cortège de reproches et de propos amers ; ensuite, ils se retrouvent, s'assurent qu'au fond ce n'étaient que des mots.
Jusqu'à ce que les mots reviennent, aussi forts qu'avant.
Leur vie est comme une émission de catch sur une chaîne du câble : un affrontement soigneusement chorégraphié, qu'ils ne cessent de préparer et de se représenter à l'avance.

3) On tour
C'est drôle : j'étais persuadé que proposer des lectures en échange du gîte et du couvert résoudrait le terrible problème de mes prochaines vacances. On ne dirait pas.
Zut, je vais être obligé de ne rien faire.

4) Il fut un temps
Il fut un temps où je disais ce qui me passait par la tête, libéré enfin de la possibilité d'une lecture qui fasse mal, qu'on me reproche. Je n'avais pour amis que des amis d'amour, je m'éloignais de ma famille et des mots qu'elle ne pourrait entendre, selon moi.
Aujourd'hui, à nouveau, j'écris sur la pointe de pieds - malgré le poids de ma bedaine qui tend à faire grincer les planches de la bien séance.
Ainsi, je ne pourrais pas en ce moment écrire Oh mon dieu comme j'aimerais partir enfin me libérer oublier tout ce qu'on exige tout ce qu'on me demande tout ce poids sur mon dos.
A la place, j'écrirais quelque chose comme j'aurais bien besoin d'une promenade. Ou Moi qui jamais ne m'abandonne, je me sens abandonné. Et par moi, encore.

5) Le prochain projet
Fa, dans un commentaire il y a quelques temps, parlait du problème de la course en ville, où on se sent toujours mal à l'aise. J'ai résolu le dilemme en inventant le free-running. Il s'agit de courir non pour se déplacer ni pour aller vite, mais juste pour se sentir vivant dans l'espace. Cabrioles, bruits de chevaux, imitation d'animaux, de fusée, de voiture, double jeté-battu, course du singe... et travail sur la notion du regard de l'autre sont au programme. Bientôt des vidéos.

3.4.10

853 - En attendant Pâques


1) Une autre fois où


Une autre fois où je suis mort, c'était de ridicule et de honte. Nous marchions avec la classe sur le chemin du trou, et nous jouions, avec C., à nous fouetter avec des herbes longues. J'ai joué à crier.
Le maître a joué à crier, lui aussi, sur cet élève qui troublait la paix d'une promenade - et a puni la classe d'un retour immédiat vers l'école.
J'ai appris depuis à retenir mes cris quand on me fouette, même par jeu. Mais quelle importance ? J'ai cessé de respirer cet après-midi-là.

2) The man with the face

J'ai rencontré JP au bout d'un comptoir, près de la mer ; il jouait, ce grand couillon, à être superbe, entre ivresse et philosophie. Son corps destructurait l'espace autour de lui ; chacune de ses embardées nous emportait dans son monde. Nous avons fini un peu ivres - d'espace, de rêve ou de théâtre, je ne sais plus.
Après le spectacle, nous avons parlé. Deux grands timides (dont l'un plus petit), qui échangeaient leurs histoires de vie et de famille, qui riaient des même blagues et se taisaient au même instant.
Il cherchait une pièce, un monologue ; Fred, un personnage du Petit Guide des transports exigeait de sortir de son recueil. Ca tombait bien, oui, vraiment : j'ai réécrit la nouvelle, pour que Fred puisse s'exprimer sur scène.
Avec JP, nous nous sommes plongés dans l'étude anthropologique - en particulier au cours d'une fête de village, une de ces fêtes vo(mi)tives dont les familles du Sud ont le secret. C'est là, pour la première fois, sous un chêne immense, que JP est devenu ma grand-mère - ou la sienne, ou celle de Fred, je ne sais plus.
C'est là que j'ai compris qu'un grand acteur, ce n'est pas simplement un acteur qui me dépasse d'une tête, mais un acteur qui sait devenir, d'un geste de l'épaule ou d'une expression du visage, à la fois tous les autres et personne d'autre que lui.

Hier, donc, ont commencé les répétitions de La Fête à Fred, prévue pour Septembre, avec une metteuse en scène aux yeux de pleine lune.

3) Ce truc sur mon épaule #9

Il n'a pas ajouté "Comme la dernière fois". C'était inutile : le souvenir entre nous restait présent, aussi vivace que silencieux.
C'était il y a quelques mois. La lune était pleine - et comme souvent pour cette occasion, j'avais fumé une pipe d'herbe pure. Assis en tailleur, dans mon salon, je contemplais par la baie vitrée le ciel superbe et le bordel brumeux de mon cerveau.
Le téléphone a sonné. Le téléphone a sonné et mon coeur a bondi. J'ai sauté sur mes pieds - enfin, j'ai cru sauter, même s'il m'a fallu de longues secondes, quatre ou cinq sonneries je suppose.
- Ah tu es là ? C'est moi. Je pensais te laisser un message.
Il y avait dans sa voix une graine qui a sauté dans mon ventre. Une graine de tristesse terrible. J'ai su, directement. Je me souviens que j'ai prié pour que mon instinct se trompe.
- C'est maman. Ca s'est passé cet après-midi.

4) Bienvenue en Sarkosie
Dites, c'est moi ou plus personne ne fait de poisson d'avril ?
On devient trop sérieux, les gens.

5) Pour préparer les vacances
La dernière fois que nous avons pris des vacances, Emmanuelle et moi, c'était dans une ville inconnue et étrangère : Toulouse.
Cette fois-ci, et pour éviter l'hôtel Framissima de Tchoutchouque-les-bains, on part en tournée troubadours.
Oyez, oyez : on saute dans notre carrosse, et on débarque chez vous ; en échange du gîte et du couvert, nous offrons quelques lectures et leur illustration musicale.
On étudie toute proposition entre le 19 et le 25 avril (surtout si c'est joli vers chez vous).

Et ce n'est pas une tanche de printemps.

2.4.10

852 - Friday quand même


1) Je me souviens
Je me souviens que je suis mort, à 15h40 précises, un après-midi de juillet dans une chambre jaune. L'hôtel était écrasé de canicule et de vapeurs climatisées, et les astres, comme le chant dans ma tête, m'avaient annoncé la date. Je souriais. J'ai appelé deux amies, pour qu'elles me bénissent ; un concert d'Antony & the Johnsons passait à la télé. J'entendais des phrases en allemand par la fenêtre.
Je me suis allongé sur le lit, et j'ai fermé les yeux. J'essayais de me repaître une dernière fois de mon corps.
Il n'y avait aucune raison valable pour mon décès : j'allais, je le savais, simplement arrêter de vivre. Comme ça, parce que c'était écrit. Il n'y aurait pas de douleur ; juste, peut-être, de la peine pour ceux qui me chercheraient (j'étais très seul ce jour-là, à des kilomètres de ceux qui d'habitude encadraient ma vie). Moi, j'irais m'asseoir avec les anges - sans doute que je resterais là un instant, flottant et souriant.
Je me sentais brûler de fièvre. Je voulais, j'espérais, perdre la notion du temps - mettre un terme, enfin, à toute cette attente.
A 15h42, j'ai consulté ma montre. J'étais mort, sans aucun doute - mais cela ne faisait aucune différence. J'ai attendu encore un peu, des fois que les astres, des fois que le décalage horaire. Puis j'ai fini par comprendre que, cette fois-ci.
Je suis sorti de la chambre et j'ai pris ma voiture. Je me suis éloigné de la ville et de l'hôtel. Après quelques kilomètres, je me suis arrêté au bord d'une rivière. Je me suis dévêtu, et j'ai nagé, vers l'autre rive.
Au milieu de la traversée, un rayon de soleil est venu frapper ma tête, et la surface, et éclairer les rochers, au fond.
J'ai crié dans l'eau.
Puis j'ai fait demi-tour, et je me suis séché.

2) You like it baroque ?
Pas vraiment une blague de la semaine : pointé par Emmanuelle, sur une affiche, "Semaine du cerveau, du 5 au 21 avril".
C'est vrai que ça commence bien.

3) Friday wear quand même
Piquée par Julien, dans le roman de Nick Cave (je cite de mémoire) : c'est l'histoire d'un type qui dit à sa petite amie "J'aimerais que tu te mettes à quatre pattes pour que je te prenne par derrière" ; elle répond "Je trouve ça un peu pervers". Et lui rétorque "C'est un mot bien compliqué, pour une petite fille de six ans".
Comment ça, bad taste ?

1.4.10

851 - The day after


1) Mon papa, ton papa

- Mon papa est le plus fort du monde ; c'est un grand voyageur. Il a traversé un désert et des frontières pour arriver ici. Il dit que, là où il était avant, des hommes avec des pistolets le poursuivaient et l'empêchaient de vivre.

- Mon papa a un pistolet ; mais il n'arrête que des méchants qui ont fait des bêtises. C'est le plus fort du monde, mon papa.

Ton papa et mon papa jouent à la guerre, devant l'école. Ton papa fait semblant de tirer sur le mien ; mon papa, pour nous faire tous rire, se couvre de caca.

Nous essayons de trouver ça drôle, mais j'ai un peu envie de pleurer.

Le papa d'un autre petit garçon est le plus intelligent du monde ; il dit des mots comme "immigration choisie", "respect des frontières", "clandestinité". Il raconte que mon papa n'a pas le droit d'être ici, qu'il triche, qu'une autre maman et d'autres garçons l'attendent dans son vrai pays.

Cette fois, je pleure. J'ai l'impression que c'est moi qu'on couvre de caca.

Je vois partir mon papa, ce matin, avec le tien qui l'accompagne. Des gens nous parlent, des gens crient. Il paraît qu'on veut nous aider, il paraît que la Justice.

Je ne sais pas qui c'est, la Justice. Je ne sais pas qui est son papa. Je croyais que c'était une personne sage, qui voulait que tous les papas du monde soient libres et égaux.

Mon papa était le plus fort du monde. Pourquoi l'ont-ils emmené ?


2) Prudence est mère de Sûreté
Oui, il est possible que nous nous trompions, que Facebook et Twitter et autres blogs ne nous servent qu'à exalter une pseudo-bonne conscience, que nous défendions des cas indéfendables, inconscients que nous sommes des réalités économiques et administratives, ainsi que de la ruse et de la mauvaise foi de personnes qui ne veulent au fond que profiter de notre richesse. Il est possible aussi que nos petites actions de textes et d'images ne servent à rien.

Mais ce matin, comme tous les matins, le type dans la rue qui fait la manche sur les marches de la boulangerie m'a souri. Et je lui ai donné ma petite monnaie, parce que je me fous d'être le mort le plus riche du cimetière. Est-ce que je me suis acheté une conscience, ou est-ce que j'ai échangé quelque chose avec un être humain ? Je m'en fous un peu, au fond.

Le texte ci-dessus est donc inspiré par les récents événements au sujet desquels Thierry Lenain, infatigable défendeur des droits de l'homme, n'a de cesse de nous alerter depuis plusieurs semaines : l'arrestation et la menace d'expulsion qui pèse sur Guilherme Auka Hazanga.